La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades a modifié en profondeur de nombreux aspects du droit médical. L'information et le consentement du patient n'ont pas été oubliés par le législateur qui a tantôt confirmé l'état de la jurisprudence antérieure, tantôt modifié les règles applicables. S'agissant du consentement, les termes de la loi ont laissé craindre l'affirmation d'un droit absolu au refus de soins.
Mais de récentes décisions jurisprudentielles permettent de préciser l'interprétation qui doit être donnée à ce texte. Au terme de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 : « le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »
A travers ces dispositions, le législateur a réaffirmé un principe déjà posé par la jurisprudence : le droit pour tout patient de refuser un soin. Toutefois, s'il a repris le principe, le législateur a «oublié» l'exception qui l'accompagnait, à savoir « l'acte indispensable à la survie et proportionné à l'état du patient ». Une incertitude découlait donc de la formulation adoptée par le législateur : avait-il voulu revenir sur la règle fixée par la jurisprudence antérieure consistant à permettre de passer outre un refus de soins en cas de mise en jeu d'un pronostic vital ou s'agissait-il d'un oubli purement involontaire ? Le Conseil d'Etat a récemment répondu à cette question dans le cadre d'une procédure d'urgence, initiée par une patiente témoin de Jéhovah, qui, transfusée malgré son refus, souhaitait qu'il soit enjoint à l'hôpital de s'abstenir de toute nouvelle transfusion jusqu'à la fin de son hospitalisation. Le tribunal a fait droit à cette demande avec une réserve en cas de «situation extrême mettant en jeu un pronostic vital». En confirmant cette décision du tribunal administratif de Lyon (l'injonction comme la réserve), le Conseil d'Etat a réaffirmé qu'aucune violation du droit au refus de soins ne pouvait être reprochée à un médecin qui, après avoir tout mis en oeuvre pour convaincre le patient d'accepter les soins, avait accompli un « acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ».
Le Tribunal administratif de Lille, saisi d'une procédure identique, a enjoint à son tour au centre hospitalier de ne pratiquer aucune nouvelle transfusion sanguine sur une patiente transfusée contre son gré. Notons que si le juge s'est contenté d'enjoindre purement et simplement « de ne pas procéder à l'administration forcée de transfusion sanguine à la victime contre son gré et à son insu », il ne faut y voir aucune remise en cause de la jurisprudence du Conseil d'Etat. En effet, cette injonction est clairement motivée par l'absence de danger immédiat pour la vie de la patiente.
Ainsi, pour conclure sur l'état du droit au refus de soins après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, aucun changement n'est intervenu par rapport à l'état de la jurisprudence antérieure. Le patient est libre de refuser un soin et le médecin doit respecter ce choix. Toutefois, le médecin ne viole pas la liberté du malade si, après avoir tout mis en oeuvre pour le convaincre, il accomplit un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état.
Rappelons que le médecin ne pourrait pas non plus se voir reprocher un délit de non assistance à personne en danger s'il se pliait au refus du patient après l'avoir informé des conséquences de son choix et avoir tenté de le convaincre.
source : Marianne BOUTTAZ. Juriste