Immuno-Hématologie Erythrocytaire

Auto-Immunité

L'auto-immunité est un paradoxe puisqu'elle définit une situation où l'immunité va agir contre les propres antigènes de l'individu, au lieu de protéger le corps humain contre des agents extérieurs. L'auto-immunité peut être spécifique aux antigènes du groupe sanguin et ainsi induire la destruction des globules rouges. La destruction des hématies entraine une anémie (qui peut ne pas être observée car compensée par le corps), on parle d'anémie hémolytique auto-immune (AHAI). Le diagnostic de l'AHAI repose sur la mise en évidence d'auto-anticorps conduisant à des signes d'hémolyse et d'anémie. Seules les auto-immunités dirigées contre les globules rouges seront étudiées ici.

 

Causes du dysfonctionnement de l'immunité


L'immunité ne réagit pas naturellement contre les antigènes du groupe sanguin, grâce aux Lymphocytes T suppresseurs qui ont pour fonction d'empêcher les lymphocytes B de fabriquer les anticorps contre ses propres antigènes. La perte de la fonction suppressive des lymphocytes T conduit à l'auto-immunité. Cette pathologie survient chez 1 à 4/100 000 personnes, avec une prédominance féminine. L'âge d'apparition est très variable. Lorsqu'elle peut être chronique ou aiguë, cette pathologie est grave et peut conduire à la mort du patient dans environ 11% des cas. Dans les formes aiguës, la transfusion sanguine peut être nécessaire même si elle reste peu efficace.

Les sources de ce dysfonctionnnement de l'immunité sont nombreuses même si elles n'ont pas été clairement identifiées. Certaines sont le fait d'un dérèglement temporaire du système immunitaire (infection virale, allo-immunisation érythrocytaire), ces dérèglements disparaissent naturellement avec leurs causes. D'autres sont induites par des médicaments, ce qui démontre que l'auto-immunité peut avoir une source exogène. D'autres par contre, comme les AHAI de classe IgG, représentent de véritables maladies du système immunitaire au même titre que le lupus érythémateux disséminé, qui conduisent à la production d'anticorps avec des spécificités évolutives.

 

Auto-immunité induite à un dérèglement


Le dérèglement temporaire du système immunitaire peut être dû à une :

  • AHAI survenue au cours d'une infection à mycoplasme (présence d'auto-anticorps anti-I de type IgM)
  • AHAI suite à une mononucléose infectieuse (présence d'auto-anticorps anti-i de type IgG)
  • AHAI suite à une infection rhinopharyngée (présence d'auto-anticorps anti-P)
  • AHAI suite à la présence d'un kyste de l'ovaire.

Ce dérèglement est généralement bénin.

 

Auto-immunité induite à un médicament


Lorsqu'une maladie auto-immune est provoquée par un médicament, il faut impérativement que ce médicament soit proscrit pour le patient. Dans ces auto-immunités, le rétablissement de l'immunité est souvent long après la suppression du médicament.

 

Anémie Hémolytique Auto-Immune (AHAI)


Les anémies hémolytiques auto-immunes (AHAI) sont caractérisées par une hyperhémolyse due à des auto-anticorps, qui peuvent être présents dans le plasma du patient et se retrouver également fixés sur ses globules rouges. Dans certains cas, seule la fraction C3d du complément est retrouvée sur les globules rouges, ce qui signifie l'action d'un anticorps sur les hématies.

L'aspect clinique de cette pathologie dépend du type des auto-anticorps (IgG ou IgM). Les caractéristiques des auto-anticorps sont à la base de la classification des AHAI. Les auto-anticorps présents lors de maladies hémolytiques auto-immunes sont généralement dirigés contre des antigènes de grande fréquence. Mais lors de lupus érythémateux, on observe énormément d'auto-anticorps qui peuvent être également dirigés contre des antigènes privés comme les antigènes Mia, VW du système MNS.

 

Auto-anticorps de type IgG (AHAI chaudes) :

Les anémies hémolytiques auto-immunes de ce type sont dues, la plupart du temps, à des IgG actifs à 37°C. Dans certains cas, elles peuvent être dues à des IgA ou des IgM. C'est la forme la plus fréquente avec 70% des anémies hémolytiques auto-immunes. Elles sont principalement rencontrées au cours de syndrômes lymphoprolifératifs et de maladies systémiques (lupus érythémateux disséminé).

  • Les auto-anticorps dirigés contre le système RH : Ces auto-anticorps représentent plus de la moitié des auto-anticorps de classe IgG. Ces auto-anticorps peuvent être spécifiques aux antigènes e, Ce, ce et dans de rares cas, aux antigènes D, E ou D et C. Ils sont parfois spécifiques à des antigènes de grande fréquence comme l'antigène LW.
  • Les auto-anticorps dirigés contre d'autres systèmes : Les antigènes en cause sont généralement des antigènes publics comme Wrb, U, Ena, Kpb ou Ku.
  • Hémolyse biphasique due à l'anti-P : cet anticorps très particulier est observé lors d'une infection rhinopharyngée chez l'enfant. D'autres hémolysines biphasiques ont été observées pour les spécificités Ii ou p. Ce type d'anémie hémolytique auto-immune qui représente moins de 2% des AHAI est appelé également Hémoglobinurie froide paroxystique.

Il est par contre fréquent d'observer un changement de spécificité au cours de la maladie.

 

Auto-anticorps de type IgM (AHAI à autoanticorps froids) :

Les anémies hémolytiques auto-immunes de classe IgM actifs à froid sont généralement chroniques. Elles sont essentiellement observées chez les personnes âgées et parfois associées à des hémopathies de type B (lymphomes, macroglobulinémie de Waldestrom ou LLC). On parle communément de maladies des agglutinines froides.

  • Auto-anticorps froids anti-I et anti-i : les hémolysines froides observées lors d'anémies hémolytiques auto-immunes sont généralement des auto-anticorps dirigés contre les antigènes i ou I. Ils ont la particularité d'avoir une activité maximale à pH 6,5. On trouve parfois aussi des spécificités mixtes comme pour les auto-anticorps anti-AI, BI, HI, Ai, Bi, IP1.
  • Auto-Anticorps chauds : Ces anticorps sont rarement observés. Ils sont capables d'activer le complément et conduisent à des anémies hémolytiques auto-immunes sévères.
  • Auto-anticorps anti-A ou anti-B : des maladies hémolytiques auto-immunes ont été induites à des anticorps anti-A ou anti-B. Ces auto-anticorps peuvent être de type anticorps froids, de type anticorps chauds et même biphasiques.

 

Thérapeutique


La prise en charge de l'AHAI est différente selon le type d'AHAI. Pour les AHAI à anticorps chauds, le traitement repose sur la prise de corticoïdes durant au moins 4 semaines, ce qui évite la destruction des hématies par les auto-anticorps. Les corticoïdes devront ensuite être réduits progressivement afin de limiter les risques de rechute qui arrivent dans 20% des cas. Lors de la rechute, d'autres médicaments sont mis en place comme des immunosuppresseurs ou un anticorps monoclonal. En absence d'efficacité de ce nouveau traitement, une splénectomie est nécessaire.

En cas d'AHAI à anticorps froids, le traitement aux corticoïdes n'est pas nécessaire car l'anémie est souvent modérée. Le patient devra donc se protéger au maximum du froid. Par contre, dans les formes sévères, un traitement par immunosuppresseurs ou par des anticorps monoclonaux doit être envisagé. Dans tous les cas, les transfusions sanguines ont des efficacités variables.